C’est le 25 août 1587 que l’évêque de Saint-Pol, Roland de Neufville – originaire de Lampaul-Guimiliau et qui fut le grand évêque de la réforme tridentine de 1563 à 1613 – donna son accord à Alain de Poulpry, recteur de Plouvéventer, pour fonder la trêve de Saint-Servais.

Toutefois, Saint-Servais n’obtiendra sa qualité de trêve à part entière – c’est-à-dire avec droit de fonts baptismaux – que le 23 janvier 1678. Saint-Servais deviendra paroisse lors du Concordat.

La date la plus ancienne inscrite dans la pierre à Saint-Servais, sur le socle qui porte le calvaire, est 1548.
 
 

Le clocher

Le clocher de type léonard avec ses deux chambres de cloches superposées atteint une hauteur de 36 mètres.

Au-dessus de la porte ouest, en dessous des trois niches, on peut lire sur la frise : le 16 mai fut commencée cette ... 1610.
Sur une des cloches : « Guillaume m’a fait... 1785 ».
Sur une autre cloche : « 1892 Y’D et Annette Abhervé », parrain et marraine de la cloche. Y’D est l’abréviation de Yan’Dargent.
 
 

Le Calvaire


 
À Saint-Servais, il y a Yan’Dargent, mais il y a aussi Roland Doré. Le calvaire de Saint-Servais se situe dans le cadre du chantier commencé en 1610. C’est la période de la grande production des ateliers de Roland Doré, grand maître sculpteur landernéen.

Bien que sa signature ne soit pas mise en évidence, comme dans le calvaire de Commana, on reconnaît bien, ici, le ciseau du maître. La Pietà (hélas défigurée par le champignon qui constitue une véritable inquiétude dans nos monuments) est un pur chef-d’œuvre. Cette figure de la mère offrant son fils mort se traduit ici dans l’une de ses plus belles représentations.
 
 
Plus haut, l’évêque, saint Servais, avec sa clé est en lien avec saint Pierre et saint Paul, de chaque côté de la croix. Au revers du Christ en croix, un très beau « Christ aux liens ». Saint Jean et Marie sont géminés avec saint Pierre et saint Paul.

Ce calvaire est monté sur la base d’un cube, orné de quatre bas-reliefs bien datés 1548 : flagellation, couronnement d’épines, portement de croix, résurrection.
Toutes ces scènes sont représentatives des influences nordiques, flamandes et allemandes, telles qu’on les trouve dans les vitraux, par exemple à La Roche.

 
 

L’ossuaire


L’ossuaire présente une belle harmonie architecturale de style Renaissance, avec les contreforts surplombés de lanternons, la façade décorée de baies séparées par des pilastres gainés et la porte qui s’impose d’emblée aux regards. II s’inscrit dans la litanie des très beaux ossuaires de la Vallée de l’Elorn, dont le plus ancien est à Sizun, daté de 1585.

Pour Saint-Servais, la date de 1643 conduit à quelques considérations historiques importantes. Jusqu’à cette époque et depuis le Haut Moyen-Age, la Bretagne était en lien, par la mer, avec tous les pays riverains. Elle bénéficiait de toutes les influences novatrices depuis les Pays Bas, l’Italie, l’Angleterre et l’Espagne. Depuis les années 1550, les ateliers du château de Kerjean ont aussi travaillé dans les enclos. À partir de 1630, Brest devient un grand port militaire français, avec ses charpentiers, ses sculpteurs, ses peintres. Mais la Renaissance avait déjà inscrit ses marques depuis plus d’un siècle et demi dans nos édifices, avant que les influences françaises ne s’y inscrivent à leur tour.

Les historiens de l’art se plaisent à considérer la porte de l’ossuaire de Saint-Servais, encadrée de colonnes doriques surmontées d’un fronton triangulaire, comme inspirée du grand château royal, puis impérial de Fontainebleau. François 1er y a beaucoup investi dans la seconde moitié de son règne.

La porte ci-contre est sans doute l’une des premières marques de la collaboration entre les sculpteurs de la Marine de Brest et les sculpteurs bretons : c’est un tournant dans l’histoire de l’art des Enclos de la Vallée de l’Élorn.

Comme son nom l’indique, l’ossuaire est là pour recueillir les ossements. Jusqu’aux années 1700, les églises étaient des cimetières. Quand on allait à l’église, on allait sur sa tombe. Périodiquement se faisait le transfert des ossements de l’église dans l’ossuaire. Les modalités de ce transfert variaient d’une paroisse à l’autre, ainsi que les liturgies du culte des morts. Ceci a donné lieu à des récits fantastiques et macabres, chez les voyageurs français, du XVIIe au XIXe siècle.

L’ossuaire de Saint-Servais est un « ossuaire chapelle », comme dans la plupart des enclos de la vallée de l’Elorn. À travers la Bretagne, le plus souvent, les ossuaires sont des ossuaires d’attache, comme à Guimiliau ou Dirinon.

L’histoire de Yan’ Dargent est attachée à cet ossuaire. II en avait fait son atelier et l’a orné de ses œuvres : son premier vitrail, une peinture murale, sainte Anne dans l’atelier de Nazareth.

Comme il l’avait demandé à sa mort en 1899, sa tombe est toute proche de l’ossuaire. Mais il avait aussi exprimé le désir de voir son crâne rejoindre ceux de ses grands-parents. Ernest, son fils, accéda à son désir et prit pour cela toutes les précautions afin que la cérémonie se déroulât dans les meilleures conditions. En 1907, on procéda à la décollation du crâne de l’artiste. L’opération s’avéra plus difficile que prévu... mais après l’office, le crâne rejoignit ceux des siens.
Les journalistes parisiens firent de l’exécution de cette coutume un fait divers macabre qui mobilisa les passions et se termina en 1908 par un non-lieu pour les deux accusés, son fils Ernest et l’abbé Guivarc’h.
L’affaire marqua tellement les esprits que les autorités décidèrent l’interdiction de cette pratique. Le crâne de Yan’ Dargent se trouve toujours dans son reliquaire.